Violence contre les arbitres : la cause de la pénurie

Depuis une décennie, le monde du sport fait face à une crise silencieuse mais alarmante : la pénurie d’arbitres. Une baisse drastique des effectifs, allant de 15 à 40 %, menace non seulement la qualité des compétitions, mais leur existence même. Le constat est simple : pas d’arbitre, pas de match. Derrière cette pénurie se cachent des facteurs complexes, dont la violence subie par les arbitres sur et en dehors du terrain, qui joue un rôle central dans cette hémorragie.

Les constats présentés proviennent d’un projet de recherche du Pôle sports HEC Montréal en collaboration avec Hockey Québec, dirigé par Éric Brunelle, directeur et fondateur du Pôle sport HEC Montréals, et Dominic Lauzon-Marques, associé de recherche au Pôle sports HEC Montréal. Leur étude met en lumière l’impact de la violence sur la pénurie d’arbitres.

En plus de la diminution des effectifs, le taux de roulement des arbitres s’avère tout aussi préoccupant. Année après année, entre 15 et 30 % des arbitres quittent leur poste. Aux États-Unis, 80 % des nouveaux arbitres abandonnent même dès leur première année. Cette tendance a forcé les fédérations sportives à recruter de plus en plus de jeunes arbitres, souvent moins expérimentés, ce qui entraîne davantage d’erreurs pendant les matchs et, inévitablement, une augmentation des critiques de la part des joueurs, entraîneurs et spectateurs. Cette spirale négative contribue à décourager les arbitres, renforçant encore leur désir de quitter ce milieu.

Le métier d’arbitre est loin d’être attractif. Les horaires sont contraignants, avec des matchs souvent le soir et les week-ends, et la reconnaissance est quasiment absente. Peu de félicitations, une culture de dénigrement constante et des salaires peu compétitifs, tout cela crée un environnement de travail toxique. Ce climat, combiné à l’intensification des violences verbales et physiques, pousse de nombreux arbitres à jeter l’éponge.

Une enquête menée auprès de 811 arbitres au Québec en 2023 révèle que 85 % d’entre eux ont déjà été victimes de violences verbales, et 22 % affirment que cela arrive fréquemment. Un chiffre alarmant lorsqu’on le compare à d’autres milieux professionnels où une telle fréquence serait inacceptable. Pire encore, 45 % des arbitres ont déjà subi une forme de violence physique, un taux nettement plus élevé que celui de la population générale (2 %). Les sources de cette violence sont multiples : les entraîneurs, les joueurs et, souvent, les partisans, incluant les parents.

Le niveau de violence tend également à augmenter avec l’âge des joueurs dans les catégories de compétition. Pourtant, la violence touche tous les arbitres, peu importe leur niveau d’expérience ou leur ancienneté.

La violence n’a pas seulement un impact immédiat. Elle crée un environnement de travail toxique qui, à long terme, érode le bien-être des arbitres. Les conditions difficiles favorisent l’épuisement professionnel, le désengagement et les intentions de quitter. Bien que la relation entre violence et départ ne soit pas instantanée, l’effet cumulatif de ces violences pousse progressivement de nombreux arbitres à abandonner le métier.

Face à cette crise, il est essentiel de renforcer les ressources disponibles pour les arbitres à trois niveaux : organisationnel, social et individuel. Sur le plan organisationnel, la mise en place de procédures claires et efficaces en cas de violence est cruciale. Des conséquences doivent être nommées et appliquées pour les contrevenants. Les campagnes de sensibilisation à destination des joueurs, des entraîneurs et des parents sont également indispensables pour changer la culture du sport.

Il est tout aussi vital d’offrir un soutien psychologique aux arbitres, et de reconnaître leur travail à travers des récompenses et des programmes de formation pour leur développement professionnel. En montrant du leadership, de l’empathie et du soutien, les organisations peuvent contribuer à améliorer la rétention.

Sur le plan social, il est essentiel de créer des opportunités de réseautage et de socialisation entre arbitres pour bâtir une communauté forte et solidaire, où les membres peuvent partager leurs expériences et se soutenir mutuellement.

La pénurie d’arbitres n’est pas qu’une question de chiffres, elle reflète une détérioration plus profonde des conditions dans lesquelles ces professionnels exercent. La violence verbale et physique est une réalité quotidienne pour eux, une réalité qui doit cesser si l’on veut préserver l’intégrité des compétitions sportives. Offrir un meilleur soutien aux arbitres et changer la culture du sport en matière de respect et de reconnaissance est plus qu’une nécessité, c’est une urgence. Sans arbitres, le sport, tel que nous le connaissons, est en péril.

L’ensemble des informations de cet article proviennent d’un projet de recherche du Pôle sports en collaboration avec Hockey Québec, dirigé par Éric Brunelle, directeur et fondateur du Pôle sport HEC Montréal, et Dominic Lauzon-Marques, associé de recherche au Pôle sports HEC Montréal.