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Lutter contre l’intimidation dans le sport : Guide complet

Cyberintimidation Écrit par : Karl Demers mai 2024
Lutter contre l'intimidation dans le sport : Guide complet

L’intimidation dans le sport, un problème persistant et préoccupant, s’étend bien au-delà des simples rivalités compétitives, infectant l’esprit d’équipe et minant les fondements même de l’éthique sportive. Dans des environnements où la performance et la résilience sont hautement valorisées, l’intimidation peut facilement se camoufler sous le masque de la motivation ou de la tradition. Toutefois, ses effets néfastes sur les victimes – allant de l’anxiété et la perte de confiance en soi à des conséquences bien plus graves sur la santé mentale – appellent à une prise de conscience et une action immédiate.

Le sport, dans son idéal le plus noble, est un vecteur de valeurs positives telles que le respect, la persévérance, et l’esprit d’équipe. Cependant, l’ombre de l’intimidation risque de ternir ces principes, transformant ce qui devrait être une source d’enrichissement personnel et collectif en un théâtre de souffrances silencieuses. Face à ce fléau, il devient impératif de s’armer de connaissances et de stratégies efficaces pour protéger nos athlètes, encourager un environnement sportif sain, et préserver l’intégrité de chaque discipline.

Ce guide complet vise donc à offrir une compréhension profonde de l’intimidation dans le contexte sportif, à en démêler les complexités et à mettre en lumière des outils et stratégies pour la combattre efficacement. En outre, il aspire à encourager la création et le renforcement de communautés de soutien qui, ensemble, établissent des fondations solides contre l’intimidation. En s’engageant dans cette lecture, entraîneurs, athlètes, parents, et tous les acteurs du monde sportif, prennent un pas décisif vers la transformation de l’arène sportive en un espace où l’excellence rime avec bienveillance et respect mutuel.

Comprendre l'intimidation dans le sport

Le sport est souvent considéré comme un environnement sain et positif pour les enfants et les adolescents [1] . Néanmoins, il est à noter qu’entre 62% et 68% des jeunes athlètes ont indiqué avoir subi de la violence psychologique dans un cadre sportif [2] .

L’intimidation dans le sport peut prendre plusieurs formes : verbale, physique, psychologique, et même numérique. Elle émane non seulement des coéquipiers mais aussi des entraîneurs, des parents et des spectateurs. Reconnaître les signes de l’intimidation est la première étape pour l’éradiquer. Ces signes incluent l’isolement social, la baisse de performance, l’anxiété avant ou pendant les activités sportives et les changements d’humeur.

Nature de l'intimidation

L’intimidation dans le sport représente un obstacle majeur au développement d’un environnement sain et inclusif pour tous les participants. Elle prend diverses formes, chacune ayant des impacts profonds sur les individus et les groupes au sein du milieu sportif. Comprendre la nature de l’intimidation, ses manifestations et conséquences est crucial pour mettre en place des mesures préventives et réactives efficaces.
L’intimidation dans le sport transcende les simples interactions compétitives pour se manifester de plusieurs formes, souvent entrelacées, dépassant les limites de la rivalité saine :

  • Intimidation verbale : Cela peut inclure des moqueries, des insultes, des critiques constantes et dévalorisantes concernant les compétences sportives, l’apparence physique, ou tout autre trait personnel. Dans le basket-ball ou le football, par exemple, des remarques dérogatoires sur la capacité d’un joueur à réussir un tir ou à défendre peuvent miner sa confiance et son estime de soi.
  • Intimidation physique : Elle se manifeste par des gestes agressifs allant de la bousculade à des actes de violence plus graves. En judo ou en hockey, des contacts physiques excessivement violents, hors des règles du jeu, peuvent être utilisés pour intimider.
  • Intimidation sociale : Elle vise à isoler la victime au sein de son équipe ou groupe sportif, en répandant des rumeurs, en l’excluant des activités de groupe, ou en sabotant ses relations avec les autres. Cela peut être particulièrement prévalent dans des sports d’équipe comme le football ou le volley-ball, où la cohésion est essentielle.
  • Cyberintimidation : Avec l’essor des réseaux sociaux, l’intimidation a trouvé un nouveau terrain de jeu, permettant aux intimidateurs de harceler leurs victimes en ligne. Des commentaires négatifs sur les performances sportives postées sur les réseaux sociaux peuvent avoir un impact considérable sur les athlètes de toutes disciplines. Selon Statistique Canada, la prévalence de la cyberintimidation parmi les adolescents de 12 à 17 ans augmente à mesure avec l’âge, passant de 20 % à 27% entre 12 et 17 ans. Cette augmentation peut être liée à l’accroissement de l’utilisation d’Internet avec l’âge, en particulier des plateformes de médias sociaux [3].

Dans le milieu sportif, il semble également important de définir le terme « polyvictime ». Celui-ci désigne un individu ayant subi de multiples formes d’intimidation ou de violence, que ce soit verbale, physique, sociale, ou cybernétique, à travers son parcours sportif [4]. Ces athlètes ne sont pas seulement confrontés à un incident isolé d’intimidation, mais à une série d’agressions répétées qui peuvent provenir de diverses sources, telles que coéquipiers, entraîneurs, ou adversaires. La condition de polyvictimisation accentue significativement les impacts négatifs sur leur bien-être psychologique et physique, entravant leur performance sportive et leur relation avec le sport en général. Identifier et soutenir les polyvictimes est essentiel pour maintenir un environnement sportif sain et inclusif, où le respect et la sécurité de chaque participant sont priorisés.

Causes et Impacts de l'intimidation

Les causes de l’intimidation dans le sport sont multiples. Elles peuvent résulter de la pression de la compétition, du désir de domination, de l’imitation du comportement des adultes, ou encore de la culture d’un sport qui valorise la ténacité au détriment du respect mutuel :

  • La pression pour réussir : Les enfants et les adolescents qui ressentent la pression de réussir peuvent être plus susceptibles d’intimider les autres pour se sentir supérieurs.
  • La culture du silence : Si les victimes d’intimidation craignent de parler ou si elles pensent que rien ne sera fait, l’intimidation est plus susceptible de se poursuivre.
  • Le manque de supervision : L’intimidation est plus susceptible de se produire lorsque les adultes ne sont pas présents pour surveiller [5].

Les conséquences de l’intimidation, quant à elles, sont graves, allant de la détérioration de la santé mentale à l’abandon du sport, en passant par des troubles alimentaires et des blessures auto-infligées.
Les effets de l’intimidation sur les victimes sont profonds et multidimensionnels. On y retrouve :

  • Des effets psychologiques : L’exposition continue à l’intimidation peut entraîner un stress chronique, de l’anxiété, et des épisodes de dépression. Les athlètes victimes d’intimidation peuvent développer une peur irrationnelle de l’échec [6] :
    • Les enfants et les adolescents qui ressentent la pression de réussir peuvent être plus susceptibles d’intimider les autres pour se sentir supérieurs. Cela pourrait perturber la concentration et l’engagement sportif. 69% des athlètes ayant subi différentes formes de violence ont signalé un niveau élevé de détresse psychologique, presque le double par rapport aux 36% ayant subi uniquement de la violence psychologique, et presque cinq fois plus que les 15% des jeunes non exposés à la violence [1].
    • Parmi ces individus polyvictimes, 66% ont signalé présenter des symptômes associés au trouble de stress post-traumatique, en opposition à 44% des individus ayant été uniquement victimes de violence psychologique, et 19% de ceux n’ayant pas été victimes [1].
  • Conséquences sur la performance sportive et la cohésion d’équipe : L’intimidation peut dégrader la performance individuelle et l’harmonie au sein de l’équipe. Un joueur de soccer intimidé peut hésiter à prendre des initiatives sur le terrain, tandis qu’une équipe de natation peut voir sa dynamique perturbée par des tensions internes liées à l’intimidation.

Quelques statistiques sur l’intimidation

  • Approximativement 10% à 15% des jeunes pratiquant un sport signalent avoir été victimes d’intimidation lors des entraînements, compétitions ou autres événements sportifs [6].
  • Entre 12 et 17 ans et participant à des programmes sport études au Québec, une enquête a révélé que 54% des garçons et des filles jouant au soccer ont été confrontés à de l’intimidation physique pendant le jeu, et 53% ont fait face à de l’intimidation verbale [6].

Reconnaître les signes d'intimidation

Identifier les signes d’intimidation est essentiel pour intervenir efficacement :

  • Signaux comportementaux chez les victimes : Les victimes d’intimidation peuvent se retirer socialement, montrer une réticence à participer à des activités sportives, ou exhiber des changements soudains dans leurs performances. Des signes de détresse émotionnelle comme l’irritabilité, l’insomnie, ou la perte d’appétit peuvent également être observés.
  • Signaux comportementaux chez les intimidateurs : Les intimidateurs peuvent afficher une agressivité excessive sur et en dehors du terrain, se montrer dominateurs dans leurs interactions avec les coéquipiers, ou être fréquemment impliqués dans des conflits.
  • Importance de la vigilance : Les entraîneurs, les parents, et les coéquipiers jouent un rôle crucial dans la détection et l’intervention précoce en cas d’intimidation. Les entraîneurs doivent être attentifs à la dynamique de l’équipe et aux interactions entre les joueurs, tandis que les parents doivent communiquer régulièrement avec leurs enfants sur leurs expériences sportives. Les coéquipiers peuvent également servir de premiers intervenants en soutenant les victimes et en signalant les comportements d’intimidation aux autorités compétentes.

Outils et Stratégies pour combattre l'intimidation

Dans le combat contre l’intimidation, une approche proactive et bien équipée est cruciale pour créer des environnements sains et sécurisés, où chaque individu peut s’épanouir sans crainte d’être ciblé ou marginalisé. La lutte contre ce fléau social exige une compréhension approfondie des outils et stratégies efficaces qui peuvent être déployés par les éducateurs, les parents, les organisations et les victimes elles-mêmes. La prévention et l’intervention en matière d’intimidation ne sont pas seulement une question de réaction aux incidents, mais aussi de création d’une culture de respect, d’empathie et de soutien mutuel qui décourage activement les comportements intimidants.

La lutte contre l’intimidation dans le sport nécessite une stratégie multifacette qui inclut la sensibilisation, l’éducation et l’intervention.

Sensibilisation et Éducation

Pour transformer les mentalités et les comportements, la sensibilisation est essentielle. Par exemple, les associations et équipes sportives pourraient mettre en place des ateliers interactifs où les athlètes, entraîneurs et parents apprendraient ensemble à reconnaître les signes de l’intimidation et à y réagir efficacement. Ces séances pourraient inclure des jeux de rôles pour simuler des situations d’intimidation et des discussions de groupe pour partager des expériences personnelles et des stratégies de prévention. De plus, l’intégration de modules sur la diversité, l’inclusion et le respect mutuel dans les entraînements réguliers aiderait à construire des équipes plus soudées et empathiques. Des initiatives comme la création de chartes d’équipe co-signées par les joueurs, qui s’engagent à maintenir un environnement positif, ou des séances animées par des experts en psychologie sportive pourraient renforcer cet apprentissage.

Les entraîneurs et les associations sportives occupent une position privilégiée pour impulser ce changement culturel au sein du sport. Ils ne sont pas seulement des formateurs techniques, mais aussi des modèles de rôle et des facilitateurs d’un climat de respect mutuel. La mise en place de systèmes de mentorat, où les athlètes plus expérimentés accompagnent les nouveaux membres, peut favoriser un sentiment d’appartenance et réduire les occasions d’intimidation. Les organisations sportives peuvent également adopter des politiques de tolérance zéro contre l’intimidation, assorties de mécanismes clairs de signalement et de sanction. En agissant concrètement, par la formation et l’éducation, mais aussi par l’exemplarité et la mise en place de structures de soutien, les entraîneurs et les organisations sportives peuvent jouer un rôle déterminant dans l’éradication de l’intimidation et la promotion d’un esprit sportif véritablement inclusif et respectueux.

Formation sur la prévention de l'intimidation

Pour instaurer un climat de confiance et de sécurité, les organisations sportives doivent impérativement adopter une politique de tolérance zéro face à l’intimidation, assortie de directives précises pour le signalement et le traitement des incidents. Cela pourrait se traduire, par exemple, par la mise en place d’une boîte à suggestions anonyme ou d’une ligne directe dédiée où les victimes peuvent exprimer leurs préoccupations. Il est crucial que les victimes d’intimidation se sentent épaulées et encouragées à partager leur expérience, sachant qu’elles seront protégées contre toute forme de représailles.

Concernant la formation sur la prévention de l’intimidation, celle-ci devrait être immersive et interactive. Imaginons des ateliers pratiques où le personnel, les entraîneurs et les athlètes jouent des scénarios réalistes d’intimidation pour mieux comprendre son impact et apprendre à y réagir positivement. Cette formation pourrait inclure des sessions animées par des psychologues sportifs qui enseignent des techniques de communication non violente, la résolution constructive des conflits, ainsi que des méthodes pour augmenter la confiance en soi et la résilience chez les athlètes. Des témoignages de personnes ayant surmonté l’intimidation pourraient servir d’exemples inspirants et renforcer l’apprentissage.

L’objectif ultime est de cultiver un environnement où la bienveillance règne en maître, et où chacun, quel que soit son rôle au sein de l’organisation, s’engage activement à maintenir une atmosphère de respect mutuel et d’inclusion. Des initiatives comme la nomination d’ambassadeurs de la bienveillance au sein des équipes, qui veillent au quotidien à la mise en pratique de ces valeurs, ou l’organisation régulière de rencontres communautaires pour discuter des progrès et des défis rencontrés, pourraient grandement contribuer à la réalisation de cet idéal.

Mise en place de politiques claires et de procédures de signalement

La création et l’application de directives explicites concernant l’intimidation sont cruciales. Par exemple, ces politiques pourraient être diffusées via des manuels distribués à chaque début de saison sportive, des séances d’orientation obligatoires pour les nouveaux membres, ou encore affichées visiblement dans les installations sportives pour rappeler continuellement à tous les acteurs leur existence et leur importance. Elles doivent mettre en avant les attentes en termes de comportement, ainsi que les répercussions en cas de violations, allant de la médiation obligatoire à des sanctions plus sévères comme l’exclusion temporaire ou définitive de l’association.

Ces politiques devraient intégrer un système de signalement bien structuré, par exemple, en établissant un comité de confiance au sein de l’organisation, composé d’entraîneurs et de membres élus par les athlètes, auprès duquel les incidents peuvent être rapportés. Ce système pourrait aussi être complété par un portail en ligne sécurisé, garantissant l’anonymat tout en facilitant le processus de signalement pour ceux qui pourraient hésiter à se manifester autrement.

Un accent particulier doit être mis sur la garantie qu’une fois un cas d’intimidation rapporté, celui-ci déclenche immédiatement une procédure d’examen méticuleuse. Des enquêteurs formés spécifiquement à la gestion de ces situations pourraient être désignés pour s’assurer que chaque allégation soit traitée avec le sérieux et la discrétion nécessaires. En fonction des résultats, des actions correctives, telles que des séances de sensibilisation ciblées, des ateliers de résolution de conflits pour les parties impliquées, ou d’autres mesures adaptées à la gravité de l’incident, devraient être mises en œuvre sans délai.

L’objectif de ces démarches est double : non seulement elles visent à traiter efficacement les incidents d’intimidation lorsqu’ils surviennent, mais elles cherchent également à prévenir leur occurrence en promouvant une culture de respect et de responsabilité au sein de la communauté sportive.

Favoriser un environnement sportif respectueux et inclusif

En sensibilisant et en éduquant l’ensemble de la communauté sportive, nous pouvons briser le silence qui entoure souvent l’intimidation dans le sport. En encourageant le dialogue ouvert et en offrant un soutien adéquat aux victimes, nous pouvons créer un climat de confiance où chacun se sent valorisé et respecté.

N’oublions pas que le sport doit être une source de plaisir, d’apprentissage et de développement personnel pour tous. En luttant contre l’intimidation, nous pouvons favoriser la sportivité, l’esprit d’équipe et le respect mutuel, contribuant ainsi à l’épanouissement de chaque individu et au succès collectif.

Sources : 

[1] LASALLE, M. (2023). Une majorité de jeunes athlètes sont exposés à la violence psychologique au Québec. Consulté à l’URL suivant : https://nouvelles.umontreal.ca/article/2023/06/08/une-majorite-de-jeunes-athletes-sont-exposes-a-la-violence-psychologique-au-quebec/

[2] Sport and Dev. (s.d.). Développement sain des enfants et des jeunes par le sport. Consulté à l’URL suivant : https://www.sportanddev.org/fr/thématiques/développement-de-la-jeunesse/développement-sain-des-enfants-et-des-jeunes-par-le-sport

[3] Statistique Canada. (2023). Les préjudices subis en ligne par les jeunes et les jeunes adultes : la prévalence et la nature de la cybervictimisation. Consulté à l’URL suivant : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2023001/article/00003-fra.htm

[4] Office québécois de la langue française. Polyvictimisation. Consulté à l’URL suivant : https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26558470/polyvictimisation

[5]Tang, A. et al. (2021). Série « La psychologie peut vous aider » : L’intimidation chez les enfants et les jeunes. La Société canadienne de psychologie. Consulté à l’URL suivant : https://cpa.ca/fr/psychology-works-fact-sheet-bullying-among-children-and-youth/

[6] Parent, S. et D’Amours, C. (s.d). Intimidation en contexte sportif. INSPQ. Consulté à l’URL suivant : https://www.inspq.qc.ca/intimidation/jeunes/intimidation-en-contexte-sportif

 

Karl Demers

Karl Demers est le fondateur de MonClubSportif. Depuis son plus jeune âge, Karl est un passionné de sports, que ce soit le soccer, le baseball, le hockey, le volleyball... et la liste est longue. Pour joindre l'utile à l'agréable, Karl transmet sa passion depuis 8 ans maintenant à travers les blogs qu'il écrit et les informations qu'il partage pour simplifier la vie des passionnés de sport comme lui.
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